Sabine Sicaud

« Morte de quinze ans », par André MIGUEL
in Journal des poètes, Bruxelles, mars 1959


          Ce recueil contient tous les poèmes que Sabine Sicaud a écrits durant sa courte existence. En effet, elle mourut à l’âge de quinze ans en 1928. Un choix de ses premiers vers avait paru, sous le titre « Poèmes d’enfant », en 1926, avec une préface de la comtesse de Noailles.


          Sabine Sicaud a passé ses années d’enfance à « La Solitude », une gentilhommière, près de Villeneuve-sur-Lot. C’est là qu’elle puisa l’amour si vif qu’elle eut pour la nature. Ses premiers poèmes, écrits avant 1926, les plus riches en images sensibles, en dessins délicieux, ont beaucoup de saveur.

 

Solitude... Pour vous cela veut dire seul,
Pour moi - qui saura me comprendre ?
Cela veut dire : vert, vert dru, vivace tendre,
Vert platane, vert calycanthe, vert tilleul.

 

Mot vert. Silence vert. Mains vertes
De grands arbres penchés, d'arbustes fous ;
Doigts mêlés de rosiers, de lauriers, de bambous,
Pieds de cèdres âgés où se concertent
Les bêtes à Bon Dieu ; rondes alertes
De libellules sur l'eau verte...

 

          Sabine Sicaud participe amoureusement à la vie des plantes et des insectes de son jardin. Son univers enjoué, malicieux s’emplit des merveilles de ses découvertes. L’allègre transparence de ses vers montre une sûreté, un art délicat de la rime et du rythme, comme l’ingénue discrétion qui créent le charme de cette voix enfantine.

 

Petits doigts de velours ou d’émail qui chatoie,
Vous savez bien pourquoi
Vous n’écouterez pas les murs couleur de cendre…

 

Et « Le chemin du chêne » :

 

J’ai rencontré le chêne,
Le vieux chêne aux abeilles,
Il a toujours le cœur ouvert, mais moins d’abeilles,
Moins de miel semble-t-il au fond de son cœur noir.
Des essaims l’ont quitté peut-être –
Ou j’ai passé trop tard ce soir.
Le chêne secouait sa vieille tête
Comme un homme bien seul…

 

          Le dernier vers est sans doute de trop, il alourdit ce beau poème.


          Tout à coup, un mal mystérieux, dévorant, s’empare de la jeune poétesse blonde. Eut-il pour cause une piqûre d’insecte ou un refroidissement après un bain dans le Lot ? On ne sait. Les douleurs commencèrent dans une jambe, gagnèrent tout le corps; Sabine souffrit, jusqu’à la mort, le martyre. [1]


          Les poèmes de sa maladie, d’une habilité aussi consommée et souvent plus libre, d’un accent plus sincère, plus aigu que ceux de la Comtesse, sont très émouvants, lorsque l’on connaît la triste fin de Sabine, mais plus par leurs cris d’angoisse que par leur qualité poétique intrinsèque. Les premières pièces avaient plus d’originalité et faisaient preuve d’un don créateur étonnant. L’influence de la Comtesse de Noailles sur l’art de Sabine Sicaud ne fut pas heureuse. Néanmoins « La Solitude », « Premières Feuilles », « Le Camélia Rouge », « Les Bégonias », « Vigne Vierge d’Automne », « L’Heure du Platane », « Le Chemin des Arbres », et quelques autres poèmes de ce recueil suffisent à faire de cette enfant un poète exquis.

 

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[1] Grâce aux récentes recherches de madame Odile Ayral-Clause, on en sait davantage sur ce "mal mystérieux" qui frappa Sabine. Il s'agit tout probablement d'ostéomyélite et non d'une sorte de gangrène. Voir son excellente introduction in "To Speak, to Tell You ? Poems Sabine Sicaud 1913-1928", Boston. Black Widow Press, 2009, p. XIII-XXXVII. [Guy Rancourt]

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