In Recueil de l'Académie des Jeux Floraux - 1904
Imprimerie Douladoure-Privat, Toulouse (1904 ; p. 89-91)
Imprimerie Douladoure-Privat, Toulouse (1904 ; p. 89-91)
MEZZA VOCE
Pièce présentée au concours
Par Mme GINET-SICAUD, à La Solitude
(Villeneuve-sur-Lot)
Fouler d'un pas distrait le sable de la vie,
Les yeux lointains, le front paisible, sans envie...
Respirer la senteur des liserons meurtris
Le long des fossés pleins de ronces et taris...
Se perdre en la douceur des crépuscules mauves
Qui font gris les vieux bois aux mystères d'alcôves,
Ouïr dans les chansons par les sentiers flottants
L'idéale chanson que nul autre n'entend...
La recueillir au fond de l'âme, n'en rien dire...
Ne rien dire jamais de son coeur et sourire...
Sourire sans angoisse aux blanches visions
De ceux qui vont, jeunes encor d'illusions,
De ceux qui vont derrière nous, les mains fleuries...
Sourire à ceux dont les paupières sont flétries,
Dont chaque pleur laisse une trace, dont la voix
Semble un rauque sanglot d'animal aux abois ;
Sourire d'un sourire impassible à la haine,
Au mal, aux passions dont notre route est pleine,
Sans juger, sans rien voir d'autre que le pardon
Qui descend lentement sur nous du ciel profond...
Et jusqu'au bout marcher ainsi, gardant aux lèvres
Le sourire éternel qui dérobe les fièvres,
Qui défend notre seuil au passant curieux...
Sourire jusqu'à l'heure où se closent les yeux,
Les yeux pris du sommeil sans aube, qui délivre...
Avec cette fierté d'avoir fermé son livre
Sans que des feuillets blancs le secret soit tombé,
Sans que nul puisse dire en quel rêve absorbé
Le promeneur d'hier a traversé la grève...
S'endormir pour jamais souriant à son rêve !...