Pour Loula
Mes yeux se sont fermés sur tous les paysages.
L’œil clos, j’entends chanter les cales en rumeur
De vaisseaux feux éteints couverts de francs-tireurs
Et je sais les contours et l’ombre des mirages.
Mon rêve maritime est peuplé de visages.
Là-bas, tout m’est connu, le souffle des rameurs,
L’heure du couvre-feu pour mes nuits de bonheur
Et l’eau profonde où vont les tourbillons d’images.
Mais peut-être les jours dont j’aimais chaque instant
Sont morts. Le vide noir de mes soirs de trente ans
N’entendra plus l’appel des sirènes de brumes.
Terrien ou prescrit, je porterai la croix
Des marins débarqués berçant leur amertume
Par de pauvres récits de frasques d’autrefois.
Villeneuve-sur-Lot, décembre 1942
In Minuit à quatre (1946)