« Les revues » par André Fontainas
In Mercure de France
1er octobre 1925 (pages 512-513)
Les organisateurs de ce « premier tournoi 1925 » [ Les Jeux Floraux de France ] ont reçu « plus de 500 poèmes ». Le comité de lecture en a retenu 150 qui furent «·présentés en dix séances au public constitué en jury ». Une des concurrentes, Mlle Sabine Sicaud, âgée de 11 ans, nous dit-on, a été laurée trois fois. Elle a obtenu le grand prix avec cette pièce :
Matin d'automne
C’est un matin… non pas un matin de Corot
Avec des arbres et des nymphes – sur la terre,
C’est un coin tout petit, entre des murs de pierres
Pas bien hauts…
C’est un matin dans le petit jardin du presbytère.
C’est un matin d’automne :
Vigne rouge, dahlias jaunes
Petits doigts tortillés de chrysanthèmes roux ;
Un tournesol montrant sa face de roi nègre
Sous un vieux diadème de plumes raides, un peu maigres…
Arrosoir vert, près du géranium en pot.
C’est un matin, sans nymphes de Corot.
Le curé dort, la maison dort, le chemin dort,
Pendant que, doucement, tombent des pièces d’or…
C’est un matin d’automne…
L’aube, qui s’est levée à pas de loup, d’abord frissonne
En peignoir rose… puis se met à rire dans le ciel,
Et tout devient rose comme elle, et rit comme elle,
Et ce sont des clartés roses et blondes telles
Que le petit jardin doré semble irréel.
Réveillée en sursaut, dans le clocher, la cloche sonne ·:
« Vite ! Vite ! Levez-vous, bonnes gens
C’est le matin ! C’est le matin d’automne !
Je sonne ! Il fait beau temps !
Entends, vieille servante au bonnet blanc, du presbytère.
C’est l’heure, lève-toi… Lève-toi, vieux curé ;
Vois les oiseaux, vois la lumière !
Prends ta soutane et ton bonnet carré,
Ouvre ta porte et va… l’heure te presse !
L’allée a tous les tons fauves des vieux missels…
Va vite, ne t’attarde pas, sous le grand ciel,
Au tout petit jardin plein d’allégresse…
Couleur de feu, couleur de fleurs, couleur de miel,
Il est trop beau ! tu le prendrais pour un autel.
Tu manquerais la messe… »
Outre Mlle Sicaud qui a obtenu 3 prix, le public a couronné Mme Gisèle Vallerey, Mme Rital del Noiram et Mlle Simone Costa. Ainsi, sur 150 poèmes soumis à son jugement, le public, qui devait en choisir dix, a donné ses suffrages à trois femmes et à une enfant, pour six pièces. C'est environ la proportion où l'Académie française, toujours galante, décerne ses médailles aux ouvrages de dames.
Elle en comblera certainement Mlle Sicaud, qui a onze ans, si Mlle Sicaud persévère.